Contrats publics de construction : un équilibre à préserver

31 mai 2024

Contrats publics de construction : un équilibre à préserver

Le gouvernement a récemment dévoilé la Stratégie québécoise en infrastructures publiques qui vise à bâtir des infrastructures de qualité, réalisées plus rapidement, et à meilleur coût. Les objectifs sont ambitieux : construire 25 % plus vite, et 15 % moins cher.

Parmi les mesures proposées pour y arriver, le gouvernement veut permettre l’utilisation des modes de réalisation s’appuyant sur des contrats collaboratifs comme proposés par le projet de loi no 62, et adopter un mode de paiement et de règlement des différends rapides, ce que nous saluons et attendons avec impatience.

Il souhaite également modifier le Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics. Ce règlement encadre notamment les contrats octroyés par la Société québécoise des infrastructures et ceux du secteur de la santé et de l’éducation. La CMMTQ a analysé ce projet et a déposé ses commentaires par écrit, car certaines propositions brisent l’équilibre dans les règles d’octroi des marchés publics et nous apparaissent inacceptables pour les membres.

De l’allègement, mais pas pour les entrepreneurs

La CMMTQ est en accord avec les principes généraux qui visent l’agilité, la souplesse, l’harmonisation et l’allègement du fardeau administratif. Cependant, nous avons constaté que les entrepreneurs qui s’intéressent aux projets publics de construction ne profiteront pas des changements proposés. Nous comprenons la volonté d’allègement des organismes publics (OP), mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment des soumissionnaires et des adjudicataires des marchés publics. Voici trois exemples concrets.

Ne retirez pas le cautionnement : une protection pour les sous-traitants

Le gouvernement veut laisser les OP déterminer la gestion de leurs garanties. Ils auront donc le choix d’exiger ou non des garanties selon les projets à réaliser, et d’autres paramètres et exigences qui leur seraient propres. Ce changement risque de faire perdre de sérieuses protections.

Les cautionnements de soumission, d’exécution et pour gages, matériaux et services, démontrent la démarche sérieuse du soumissionnaire. L’OP a ainsi l’assurance que sa capacité financière et technique a été vérifiée préalablement au dépôt d’une soumission.

Les cautionnements constituent un incitatif important pour les entrepreneurs spécialisés (sous-traitants), particulièrement pour les petites et les moyennes entreprises, qui souhaitent participer à un projet de construction, puisqu’ils offrent une forme de protection quant aux paiements. Les projets de construction du secteur public ne permettent généralement pas le recours à l’hypothèque légale de la construction; les cautionnements servent donc à garantir leur paiement.

Nous avons demandé au gouvernement de revenir sur sa position.

Conserver le droit de voir le contrat

Le projet propose aussi de retirer le contrat à être signé entre l’OP et l’entrepreneur des documents d’appel d’offres. Or, pour les soumissionnaires, le contrat révèle la portée de leur engagement et les renseigne sur des éléments essentiels qui ne se retrouvent pas nécessairement dans les autres documents d’appel d’offres.

La CMMTQ estime que cette modification, identifiée comme un allègement pour les OP, pourrait décourager certains entrepreneurs de participer à un projet, puisqu’ils ne sauraient pas à quoi ils s’engagent auprès de l’OP. Il nous apparaît inacceptable qu’un entrepreneur s’engage dans un contrat public sans pouvoir évaluer adéquatement les risques contractuels. Il en va de la transparence requise des marchés publics.

Nous avons demandé au gouvernement de retirer sa proposition.

Volonté de négocier avec les soumissionnaires

Présentement, un OP peut négocier avec un entrepreneur s’il est le seul soumissionnaire d’un projet. Il est prévu que l’OP pourra dorénavant négocier le prix soumis par un entrepreneur, même s’il a reçu plus d’une soumission conforme.

La CMMTQ a de sérieuses réserves à propos de cette proposition. Nous comprenons la raison d’être de l’actuel principe : pour économiser du temps et de l’argent, l’OP peut négocier avec le seul soumissionnaire au lieu d’annuler l’appel d’offres. Or, permettre une telle négociation avec tous les soumissionnaires, alors que l’appel d’offres a suscité de l’intérêt et de la compétition, nous semble contraire au principe de saine concurrence.

La négociation ne va pas de pair avec la mise en compétition des entrepreneurs où tous doivent, dès le départ, fournir leur meilleur prix sachant que le plus bas soumissionnaire remportera le contrat. Vouloir changer cette règle élémentaire ouvre la porte à la possibilité que certains entrepreneurs refusent carrément de soumissionner ou ne déposent pas leur meilleure offre à la première occasion, au détriment du bon fonctionnement des marchés publics basés sur la concurrence.

Nous avons également commenté d’autres aspects du projet de règlement, mais voilà l’essentiel de nos commentaires. Nous croyons à l’égalité des chances, à la libre concurrence, à l’ouverture des marchés publics à des conditions justes au plus grand nombre de participants, le tout au bénéfice des OP, de l’État et de nous tous, contribuables et usagers des infrastructures publiques.


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