Quel est le but de l’hypothèque légale de construction?
L’hypothèque légale de construction confère à l’entrepreneur un droit réel sur l’immeuble où il a exécuté des travaux de construction ou de rénovation, et ce, pour garantir le paiement de sa créance, pourvu que toutes les formalités soient respectées. Au bout du compte, l’hypothèque légale de construction détenue par l’entrepreneur peut lui permettre de faire vendre l’immeuble et d’être payé à même le prix de la vente (comme le ferait une banque avec son hypothèque).
Le législateur a ainsi voulu donner une protection supplémentaire aux intervenants qui participent à la construction ou à la rénovation d’un immeuble. Ce statut privilégié est limité à la valeur ajoutée à l’immeuble par l’ensemble des travaux (la plus-value).
Bénéficiaires
Qui sont les bénéficiaires de l’hypothèque légale de construction?
S’ils ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble, les personnes suivantes peuvent bénéficier de l’hypothèque légale : l’entrepreneur, le sous-entrepreneur (ou sous-traitant), le fournisseur de matériaux, l’ouvrier, l’architecte et l’ingénieur. Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une personne morale (une compagnie).
Que peut-il arriver si l’entrepreneur ne détient pas la licence appropriée aux travaux qu’il effectue?
L’article 50 de la Loi sur le bâtiment (RLRQ, c. B-1.1) donne la possibilité au propriétaire de faire radier l’hypothèque légale inscrite sur son immeuble par l’entrepreneur qui ne détient pas la licence appropriée. La demande de radiation ne peut être reçue s’il est établi que le propriétaire savait que l’entrepreneur n’était pas titulaire de la licence appropriée.
Cette disposition constitue une mesure de protection contre les entrepreneurs non licenciés (travail au noir). Attention, cela peut aussi avoir des conséquences pour les entrepreneurs membres de la CMMTQ s’ils ne détiennent pas la licence appropriée aux travaux qu’ils exécutent. Par exemple, l’entrepreneur qui possède la licence en systèmes de chauffage hydronique, mais qui exécute des travaux nécessitant la licence en plomberie, pourrait voir son hypothèque légale radiée si le propriétaire en fait la demande, sauf si la preuve démontre que le propriétaire savait que l’entrepreneur ne détenait pas la licence appropriée.
L’entrepreneur doit être prudent et s’assurer de détenir la licence appropriée aux travaux qu’il exécute, et ce, en tout temps, soit lors de la conclusion du contrat, pendant l’exécution des travaux et au moment d’inscrire l’hypothèque légale.
À titre d’exemple, un entrepreneur met fin à sa carrière et fait annuler sa licence avant d’inscrire l’hypothèque légale. Même si l’entrepreneur détenait la licence appropriée lorsqu’il a exécuté les travaux, son hypothèque pourrait être radiée puisqu’il n’était plus titulaire d’une licence lors de l’inscription de l’avis d’hypothèque légale et du préavis d’exercice.
Cette obligation de détenir la licence appropriée s’applique autant à l’entrepreneur qu’au sous-entrepreneur (sous-traitant).
Travaux et immeuble visés
Quels sont les travaux visés par l’hypothèque légale de construction?
L’hypothèque légale de construction n’existe que dans le cadre de travaux de construction ou de rénovation d’un immeuble.
Contrairement à la définition de la Loi sur le bâtiment (article 9), l’interprétation de l’expression « travaux de construction ou de rénovation d’un immeuble » utilisée ici est plus restreinte et ne comprend pas les travaux d’entretien ou de réparation mineure.
Les travaux de construction comprennent l’érection d’un bâtiment. Toutefois, les travaux de démolition, nécessaires à la construction ou à la rénovation, peuvent aussi être protégés par l’hypothèque légale.
En ce qui concerne les travaux de rénovation, de manière générale, il s’agit de travaux majeurs qui apportent une plus-value à l’immeuble, c’est-à-dire qu’ils ajoutent de la valeur à l’immeuble. La plus-value peut être définie comme la différence entre la valeur d’un immeuble amélioré et la valeur de l’immeuble sans cette amélioration.
Par exemple, la simple réparation d’une fenêtre ne peut être qualifiée de travail de rénovation. Par contre, si toutes les vieilles fenêtres d’un immeuble sont remplacées par de nouvelles fenêtres, il s’agit alors de véritables travaux de rénovation qui sont couverts par l’hypothèque légale puisqu’ils font augmenter la valeur de l’immeuble.
Ainsi, les travaux qui consistent à faire une nouvelle salle de bains dans une résidence sont susceptibles d’apporter une plus-value à l’immeuble et pourraient être couverts par l’hypothèque légale de construction. Par contre, les travaux de réparation mineure ne donnant généralement aucune plus-value (par exemple, remplacer uniquement une toilette, un chauffe-eau ou réparer une tuyauterie) ne sont pas couverts par l’hypothèque légale de construction.
Qui doit demander les travaux?
Les travaux protégés par l’hypothèque légale de construction sont ceux demandés par le propriétaire de l’immeuble.
Par conséquent, les travaux de construction ou de rénovation que le locataire d’un immeuble fait exécuter à sa demande ne donnent pas droit à une hypothèque légale (sauf si exceptionnellement, il existe une entente entre le propriétaire et le locataire). L’entrepreneur doit donc s’assurer que le locataire a la capacité de payer les travaux ou de contracter directement avec le propriétaire, lorsque possible.
L’entrepreneur doit aussi prêter attention à certaines situations. L’identification du propriétaire de l’immeuble peut être difficile, par exemple, dans les cas de personnes mariées ou conjointes, d’un gestionnaire d’immeuble ou d’une compagnie à actionnaire unique. Une recherche de titres peut s’avérer utile pour identifier le véritable propriétaire.
Quel bien peut faire l’objet d’une hypothèque légale de construction?
L’hypothèque légale de construction ne peut porter que sur l’immeuble sur lequel les travaux de construction ou de rénovation ont été exécutés. L’immeuble comprend le fonds de terre (terrain) et le bâtiment qui y est construit avec tout ce qu’il comprend véritablement.
Par exemple, un entrepreneur en plomberie obtient un contrat dans le cadre de la construction d’une maison neuve. L’hypothèque légale de construction lui confère donc un droit sur cet immeuble pour garantir le paiement de sa créance (le coût de ses travaux et des matériaux). Cette hypothèque ne peut pas grever un autre immeuble (une autre maison appartenant au même propriétaire) ou un bien meuble (une automobile du propriétaire).
Vous devez être prudent lors de la construction de plusieurs immeubles dans un même projet (comme des maisons en rangées). En général, vous devez inscrire une hypothèque légale distincte sur chacune des unités où vous avez exécuté des travaux ou fourni des matériaux.
Quels immeubles ne peuvent pas être hypothéqués?
Certains biens sont insaisissables et ne peuvent pas faire l’objet d’une hypothèque légale.
Ainsi, les biens appartenant aux gouvernements et à leurs mandataires ne peuvent pas être hypothéqués, ni ceux des personnes morales de droit public (les municipalités) qui sont affectés à l’utilité publique. À titre d’exemple, mentionnons les immeubles de la Société canadienne des postes, une station de métro, un aqueduc, un incinérateur de déchets, un entrepôt de sel et de sable pour la voirie, une caserne de pompiers, etc.
Toutefois, les biens des personnes morales de droit public qui ne sont pas affectés à l’utilité publique sont alors assimilés à des biens du domaine privé qui sont saisissables. Ils peuvent donc être grevés d’une hypothèque légale à moins qu’une disposition légale vienne les en soustraire.
Par exemple, les tribunaux ont déjà conclu qu’un immeuble servant d’école et un autre servant d’hôpital pouvaient faire l’objet d’une hypothèque légale.
En somme, soyez attentif lorsque vous exécutez des travaux pour une municipalité ou un autre organisme public, car vous pourriez ne pas avoir droit à l’hypothèque légale de construction.
Dénonciation de contrat
Qu’est-ce que la dénonciation de contrat?
La dénonciation de contrat est une lettre du sous-traitant transmise au propriétaire de l’immeuble. Elle a pour but d’informer le propriétaire de l’existence du contrat du sous-traitant et de la possibilité qu’une hypothèque légale grève son immeuble si le sous-traitant n’est pas payé par l’entrepreneur général.
Dans le cas de la personne qui ne contracte pas directement avec le propriétaire, la dénonciation de contrat est obligatoire pour la validité de l’hypothèque légale. C’est notamment le cas du sous-entrepreneur (sous-traitant).
Seul l’ouvrier en est exempté, comme l’entrepreneur qui contracte directement avec le propriétaire. Pour eux, l’hypothèque légale est inscrite de plein droit et sans avoir à dénoncer leur contrat.
Ainsi, l’entrepreneur qui ne contracte pas directement avec le propriétaire de l’immeuble doit absolument lui dénoncer son contrat par écrit.
À titre d’exemple, un entrepreneur général conclut un contrat avec le propriétaire d’un terrain pour construire une maison neuve. L’entrepreneur général confie par contrat l’exécution des travaux de plomberie à un entrepreneur en plomberie. Ce dernier, n’ayant pas contracté directement avec le propriétaire, doit obligatoirement dénoncer son contrat par écrit au propriétaire s’il veut bénéficier de l’hypothèque légale. Seuls les travaux effectués après la dénonciation seront protégés par l’hypothèque légale.
À qui devez-vous dénoncer votre contrat?
La dénonciation doit être faite au propriétaire de l’immeuble inscrit au registre foncier. S’il y a plusieurs propriétaires, il est essentiel d’envoyer une dénonciation à chacun des copropriétaires. L’envoi d’une dénonciation à un seul des copropriétaires n’est pas suffisant, même s’ils sont conjoints.
Il est recommandé de faire une recherche de titres lorsque l’identité du propriétaire est incertaine.
En principe, la dénonciation au propriétaire inscrit au registre foncier est suffisante, car c’est lui qui demande habituellement les travaux. Cependant, ce n’est pas toujours le cas, comme lorsqu’un promoteur immobilier propriétaire en titre d’un terrain contracte avec un acheteur pour construire un bâtiment. Dans un tel cas, les tribunaux ont déjà exigé que la dénonciation soit plutôt faite à l’acheteur de l’immeuble en construction (pas encore inscrit au registre comme propriétaire), jugeant que c’est lui qui demande les travaux et qui peut retenir une somme d’argent au moment de payer l’entrepreneur. En cas de doute, il est recommandé de dénoncer le contrat à tous les intervenants (propriétaires inscrits au registre foncier, promoteur immobilier, acheteur éventuel).
Comment devez-vous dénoncer votre contrat?
La dénonciation doit être faite par écrit au propriétaire de l’immeuble. Il s’agit d’une exigence formelle prévue à la loi. Il n’est pas suffisant de dénoncer verbalement le contrat. De plus, la connaissance par le propriétaire de l’existence du contrat d’un sous-traitant ou de l’exécution des travaux par un sous-traitant ne remplace pas la dénonciation écrite. Par exemple, vous devez absolument dénoncer le contrat par écrit même si le propriétaire se présente régulièrement sur le chantier et qu’il accepte vos travaux.
Il est aussi important de vous assurer de bien transmettre la dénonciation au propriétaire. La remise de la dénonciation à l’entrepreneur général, au surveillant des travaux, au gérant de projet, à l’architecte, à l’ingénieur, au locataire, au conjoint du propriétaire ou à la compagnie liée du propriétaire n’est pas valable et ne satisfait pas aux exigences de la loi, à moins que ces personnes aient le mandat de représenter le propriétaire et de recevoir la dénonciation, ce qui est difficile à déterminer et à prouver.
Que doit contenir la dénonciation de contrat?
La dénonciation doit contenir les précisions permettant au propriétaire de retenir, au moment où il paie le prix du contrat à l’entrepreneur général, une somme suffisante pour acquitter les créances dues aux sous-traitants qui lui ont dénoncé leur contrat et qui peuvent faire valoir une hypothèque légale sur son immeuble.
Il est important d’indiquer dans la dénonciation les éléments suivants :
- la désignation exacte de l’immeuble (numéro de lot et adresse);
- le nom du sous-traitant (l’entrepreneur qui doit dénoncer son contrat);
- le prix du contrat obtenu (si le prix n’est pas déterminé exactement, il est préférable d’indiquer le prix estimé le plus haut);
- l’objet du contrat (la nature des travaux à effectuer, des services ou des matériaux à fournir);
- l’intention de se prévaloir de l’hypothèque légale en cas de non-paiement.
Notez qu’un modèle de dénonciation de contrat est mis à votre disposition par la Corporation.
Quand devez-vous dénoncer votre contrat?
Le contrat doit être dénoncé le plus tôt possible après sa conclusion et surtout avant de commencer les travaux ou de fournir les matériaux prévus au contrat. En effet, l’hypothèque légale de construction couvre seulement les travaux exécutés ou les matériaux fournis après la dénonciation.
Les travaux déjà complétés ou les matériaux fournis avant la dénonciation du contrat au propriétaire ne sont pas garantis par l’hypothèque légale.
Par exemple, un entrepreneur général conclut un contrat au prix de 25 000 $ avec un entrepreneur sous-traitant. Ce dernier doit absolument dénoncer son contrat au propriétaire. S’il le fait avant de commencer les travaux, le prix total du contrat (25 000 $) sera couvert par l’hypothèque légale. S’il dénonce son contrat après avoir exécuté une partie des travaux équivalant à 5000 $, ce montant ne sera pas couvert par l’hypothèque légale. Seule la valeur des travaux exécutés après la dénonciation sera couverte, soit 20 000 $.
Par quels moyens devez-vous expédier la dénonciation au propriétaire?
Il est fortement conseillé d’utiliser un des moyens suivants :
- Envoyez la dénonciation par courrier recommandé (avec accusé de réception). Il est important de conserver une copie de la dénonciation et de la preuve de réception. Ceci vous permettra de prouver que le propriétaire a bien reçu la dénonciation et d’attester de la date de réception.
- Remettez vous-même la dénonciation directement au propriétaire et faites lui signer un accusé de réception. Ce dernier moyen est très pratique. Vous n’avez qu’à inscrire sur votre copie de la dénonciation une phrase indiquant que le propriétaire confirme avoir reçu la dénonciation et la faire signer.
Voici le genre de phrase que vous pouvez inscrire au bas de la dénonciation et que vous ferez signer par le propriétaire :
Je, (nom du propriétaire), accuse réception de la présente dénonciation en date du _______.
Ceci attestera de la date de la réception de la dénonciation par le propriétaire. Vous remettez la dénonciation au propriétaire et conservez une copie avec l’accusé de réception signé par le propriétaire.
- Faites signifier la dénonciation par un huissier (coûts plus élevés).
- En cas d’urgence (par exemple, les travaux débutent immédiatement), envoyez la dénonciation par télécopieur et gardez le relevé de transmission qui confirme la réception du document. Comme la réception par télécopieur peut être difficile à prouver, nous vous conseillons d’envoyer également la dénonciation par poste recommandée comme décrit précédemment.
Une tentative de dénonciation qui échoue n’est pas valable. Par exemple, un entrepreneur dénonce un contrat par poste recommandée, mais le propriétaire ne va pas chercher son courrier et l’envoi est retourné à l’entrepreneur avec la mention « non réclamé ». La dénonciation du contrat au propriétaire n’a pas été transmise et l’entrepreneur doit prendre un autre moyen pour y arriver (notamment en la remettant en mains propres au propriétaire). Il ne suffit pas de tenter de dénoncer le contrat, il faut réussir. En d’autres mots, il n’y a pas dénonciation de contrat tant que le propriétaire ne l’a pas reçue.
Est-ce qu’une nouvelle dénonciation est nécessaire lorsqu’il y a des travaux supplémentaires ou des modifications au contrat?
En principe, il n’est pas nécessaire de faire une nouvelle dénonciation si des modifications ou des travaux supplémentaires qui sont accessoires au contrat mentionné à la dénonciation ont été acceptés par le propriétaire et ont pour effet d’augmenter le prix de ce contrat.
Toutefois, il est préférable d’envoyer une nouvelle dénonciation si les ajouts augmentent considérablement le prix du contrat.
Il ne faut pas oublier que la dénonciation de contrat permet au propriétaire de connaître le montant à retenir pour acquitter les créances des personnes qui détiennent une hypothèque légale sur son immeuble et qui n’ont pas encore été payées par l’entrepreneur général.
Formalités d’existence et de conservation
Que devez-vous faire pour avoir droit à l’hypothèque légale de construction?
L’hypothèque légale de construction existe de plein droit sans qu’il soit nécessaire de la négocier, contrairement à l’hypothèque d’une banque.
Dans le cas de l’entrepreneur qui contracte directement avec le propriétaire, son droit à l’hypothèque légale s’amorce dès la date de conclusion du contrat de construction ou de rénovation avec le propriétaire. Il n’a aucune démarche à accomplir.
Dans le cas du sous-traitant, son droit à l’hypothèque légale est valide seulement à partir de la dénonciation de son contrat au propriétaire. Il doit faire cette démarche s’il veut bénéficier de l’hypothèque légale.
Dans tous les cas, l’hypothèque légale de construction subsiste jusqu’au 30e jour qui suit la fin des travaux sans qu’il soit nécessaire de la publier au registre foncier. Pour la conserver au-delà de cette période, il faut accomplir deux formalités : inscrire un avis d’hypothèque légale et, par la suite, inscrire un préavis d’exercice, sinon l’hypothèque légale s’éteint.
Que devez-vous faire pour conserver votre droit à l’hypothèque légale de construction?
Pour conserver votre droit à l’hypothèque légale de construction au-delà du 30e jour qui suit la fin des travaux, il y a deux choses obligatoires à faire :
- Il faut inscrire au registre foncier un avis d’hypothèque légale au plus tard 30 jours après la fin des travaux. Cet avis doit indiquer la désignation exacte de l’immeuble (désignation cadastrale), le montant de la créance et être signifié aux propriétaires de l’immeuble. Il doit être attesté par un notaire ou un avocat.
- Si vous n’avez toujours pas été payé, il faut inscrire au registre foncier un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire au plus tard 6 mois après la fin des travaux. Il est possible de publier une action contre le propriétaire plutôt que d’inscrire un préavis d’exercice pour conserver son hypothèque légale.
Le préavis d’exercice doit entre autres dénoncer le défaut du débiteur d’exécuter ses obligations et le droit d’y remédier, indiquer le montant de la créance, le recours que vous voulez exercer (comme de faire vendre l’immeuble), la description de l’immeuble grevé et sommer le propriétaire de délaisser l’immeuble avant l’expiration du délai prévu à la loi. Il doit être attesté par un notaire ou un avocat. Il doit également être signifié par huissier aux propriétaires de l’immeuble, au débiteur ainsi qu’à toute autre personne contre laquelle le droit est exercé.
Autant pour l’avis d’hypothèque légale que pour le préavis d’exercice, il est essentiel de respecter les exigences relatives à la publicité des droits. De plus, les documents présentés pour l’inscription de l’avis d’hypothèque légale doivent être accompagnés d’une attestation de vérification par un notaire ou un avocat. Il est donc nécessaire de confier le mandat d’accomplir ces formalités à votre conseiller juridique.
Que signifie la fin des travaux?
La fin des travaux survient lorsque l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel il est destiné. La notion de fin des travaux implique que l’ensemble des travaux prévus au contrat de construction ou de rénovation ont été intégralement exécutés.
Un projet de construction ou de rénovation comporte, habituellement, une seule date de fin des travaux pour l’ensemble des entrepreneurs et des intervenants au projet. Elle survient lorsque tous les travaux prévus au contrat entre l’entrepreneur général et le propriétaire sont exécutés. Toutefois, cela peut être différent lorsque le propriétaire gère lui-même le projet et qu’il confie différentes parties des travaux à des entrepreneurs distincts. La fin des travaux est distincte pour chaque entrepreneur et correspond à la date à laquelle leur contrat respectif est complété et non la date où l’ensemble du projet est complété.
Prenons l’exemple d’un entrepreneur en chauffage qui, dans le cadre de la construction d’une maison neuve, finit d’exécuter les travaux prévus à son contrat le 1er mai. Les travaux de construction de la maison se poursuivent jusqu’au 15 juin, date de fin des travaux (tous les travaux prévus au contrat de construction entre l’entrepreneur général et le client ont été exécutés, et la maison est en état de servir à l’usage auquel elle est destinée). À partir du 15 juin, l’entrepreneur en chauffage dispose de 30 jours pour inscrire un avis d’hypothèque légale et 6 mois pour inscrire un préavis d’exercice.
La date de fin des travaux n’est pas toujours facile à déterminer et a fait l’objet de plusieurs débats judiciaires. L’inexécution de travaux mineurs prévus au contrat qui ont une incidence sur l’usage de l’immeuble peuvent retarder la fin des travaux. Par contre, les corrections ne retardent pas la fin des travaux. Les travaux ont été mal exécutés, mais ils sont tout de même faits.
Il peut arriver que les travaux soient temporairement suspendus (en raison, par exemple, d’un retard dans la livraison de matériel, de l’attente d’une saison plus clémente, d’un délai pour recevoir un financement, etc.), sans entraîner la fin des travaux.
Par contre, un abandon définitif des travaux peut survenir (par un manque de ressources financières, une faillite du propriétaire, une mésentente entre les divers intervenants, une résiliation de contrat, etc.) et entraîner la fin des travaux, et ce, même s’ils sont inachevés. Dans ce cas, le délai de 30 jours pour inscrire un avis d’hypothèque légale commence à courir.
Il ne faut pas confondre la fin des travaux avec certains événements qui peuvent constituer des indices, mais qui, à eux seuls, n’établissent pas la fin des travaux, comme l’acceptation des travaux par l’ingénieur, l’architecte ou le propriétaire, l’occupation de l’immeuble par le propriétaire, l’apposition de sceaux d’approbation par des organismes de certification.
La date de fin des travaux est déterminée par un ensemble de facteurs et peut soulever de multiples difficultés. Il faut donc être très prudent et ne pas tarder à procéder aux inscriptions requises, et ce, même avant la fin de l’ensemble des travaux (voir question suivante). Il ne faut pas oublier que le droit à l’hypothèque légale de construction s’éteint si rien n’est fait avant l’expiration du délai de 30 jours de la fin des travaux.
Est-il possible d’inscrire l’avis d’hypothèque légale avant la fin des travaux?
Il est possible d’inscrire l’avis d’hypothèque légale avant la fin des travaux. Lorsque l’entrepreneur a fini d’exécuter son propre contrat et qu’il n’a pas été payé, il peut immédiatement inscrire un avis d’hypothèque légale pour conserver son droit, et ce, même si l’ensemble des travaux n’est pas terminé.
L’inscription de l’avis d’hypothèque légale peut être effectuée en tout temps avant l’expiration du délai de 30 jours suivant la fin des travaux, pourvu que l’entrepreneur ait terminé l’exécution de son contrat.
Est-il nécessaire d’inscrire plusieurs hypothèques lorsque la main-d’œuvre et les matériaux sont fournis?
Lorsque l’entrepreneur fournit à la fois de la main-d’œuvre et des matériaux pour les travaux effectués sur le même immeuble, il n’est pas obligé d’inscrire une hypothèque distincte en tant que fournisseur de matériaux et une autre en tant qu’entrepreneur ou sous-traitant. Il peut regrouper sa créance et bénéficier d’une seule hypothèque légale qui inclura tous les coûts (main-d’œuvre et matériaux).
Recours hypothécaires
Quels recours hypothécaires pouvez-vous exercer?
En matière de recours hypothécaires, l’entrepreneur détenteur d’une hypothèque légale de construction a le choix entre quatre actions, soit :
- la prise de possession de l’immeuble pour l’administrer (permet à l’entrepreneur de prendre possession de l’immeuble et de l’administrer jusqu’au paiement de sa créance; ce recours est surtout utilisé pour des immeubles avec revenus locatifs);
- la prise en paiement de l’immeuble (permet à l’entrepreneur de devenir propriétaire de l’immeuble en paiement de sa créance; ce recours éteint totalement la créance);
- la vente de l’immeuble par le créancier (permet à l’entrepreneur de vendre lui-même l’immeuble en paiement de sa créance);
- la vente de l’immeuble sous contrôle de justice (permet à l’entrepreneur de faire vendre l’immeuble par un officier de justice en paiement de sa créance).
Pour des raisons pratiques et économiques, il semble que la vente sous contrôle de justice constitue, dans la majorité des cas, le recours le mieux adapté au domaine de la construction. À la suite de la vente de l’immeuble sous contrôle de justice, l’entrepreneur qui a exercé ce recours est payé à même le produit de la vente.
Certaines conditions doivent être respectées avant de pouvoir exercer un de ces recours hypothécaires (notamment le préavis d’exercice et le délaissement de l’immeuble par le propriétaire).
Votre conseiller juridique vous aidera à choisir le recours le mieux adapté à votre situation.
Caractéristiques importantes
Qu’est-ce que la plus-value?
L’hypothèque légale de construction garantit la plus-value donnée à l’immeuble par les travaux, les matériaux ou les services fournis ou préparés pour ces travaux. En fait, la plus-value correspond à la valeur additionnelle donnée à l’immeuble par la réalisation de travaux de construction ou de rénovation. Elle peut être définie comme la différence entre la valeur d’un immeuble amélioré et la valeur qu’il aurait sans cette amélioration.
L’existence d’une plus-value est essentielle à l’inscription d’une hypothèque légale de construction. Cependant, la simple preuve des travaux effectués (description des travaux) suffit pour démontrer qu’ils ont haussé la valeur de l’immeuble. Il y a alors une présomption que ces travaux ont conféré une plus-value à l’immeuble.
La plus-value s’évalue selon le principe d’unicité, c’est-à-dire à partir de l’ensemble des travaux exécutés sur un immeuble. Lorsque plusieurs entrepreneurs participent à des travaux de construction ou de rénovation, une seule plus-value globale est déterminée pour l’ensemble des travaux. Chaque entrepreneur n’a donc pas à démontrer spécifiquement la plus-value personnelle qu’il a donnée à l’immeuble. Il existe une seule plus-value pour l’ensemble des travaux et non pas une plus-value pour chaque contrat conclu.
La plus-value n’équivaut pas nécessairement au prix des travaux. Elle est plus facile à déterminer dans le cas d’une construction neuve où elle peut représenter le coût des matériaux et des services fournis lors de la construction. Par contre, dans le cas de travaux de rénovation, la plus-value donnée à l’immeuble ne correspond pas nécessairement au coût des matériaux et des services fournis pour ces travaux. Elle peut être inférieure et même inexistante.
Quels sont les frais couverts par l’hypothèque légale de construction?
Outre le capital (le prix des travaux incluant les taxes), l’hypothèque légale de construction garantit les intérêts échus et les frais engagés (sauf les honoraires professionnels d’un conseiller juridique).
Quel est le rang de l’hypothèque légale de construction par rapport à d’autres créances?
L’hypothèque légale de construction prend rang après les créances prioritaires prévues par la loi, par exemple, les créances fiscales de l’État.
Cependant, elle prend rang avant toute autre hypothèque quant à la plus-value donnée à l’immeuble, même celle publiée avant sa constitution. Elle a donc préséance sur toutes les autres hypothèques, mais seulement pour la portion qui représente la plus-value.
Entre elles, toutes les hypothèques légales de construction bénéficient du même rang, et la part de chacun s’établit proportionnellement selon la valeur de sa créance (le montant équivalent à la plus-value est distribué entre tous les détenteurs d’une hypothèque légale de construction au prorata de leurs créances).
Par exemple, deux entrepreneurs détiennent une hypothèque légale de construction sur un immeuble à la suite de travaux de rénovation. Le total de leurs créances s’élève à 50 000 $ (l’entrepreneur en plomberie a une créance de 30 000 $ et l’entrepreneur en ventilation en a une de 20 000 $). Même si le coût des travaux s’élève à 50 000 $, la valeur de l’immeuble à la suite de ces travaux a augmenté de 25 000 $ seulement (25 000 $ de plus-value). Ce montant de 25 000 $ sera distribué entre les deux créanciers proportionnellement selon leurs créances : l’entrepreneur en plomberie recevra 15 000 $ et l’entrepreneur en ventilation recevra 10 000 $.
Pour ce qui est du solde impayé de leurs créances, soit le 25 000 $ restant, il n’est pas couvert par l’hypothèque légale, car il n’a pas créé de plus-value à l’immeuble. En conséquence, ces entrepreneurs devront poursuivre en justice leur débiteur pour obtenir le paiement du solde de leur créance respective, comme ils l’auraient fait pour toute autre somme due.
Peut-on vous obliger à renoncer à l’hypothèque légale de construction?
Non, l’hypothèque légale de construction constitue la meilleure garantie de paiement et personne n’est tenu d’y renoncer.
Toutefois, les dispositions du Code civil du Québec relatives à l’hypothèque légale de construction ne sont pas d’ordre public. Il est donc possible de renoncer au droit à l’hypothèque légale de construction.
Il peut arriver qu’une personne (propriétaire, prêteur, entrepreneur général, etc.) demande à l’entrepreneur de renoncer à son droit à l’hypothèque légale.
Il existe deux cas de renonciation. Lorsque la renonciation est absolue, l’hypothèque légale ne prend pas effet ou cesse d’exister. Il peut aussi y avoir renonciation en faveur d’un créancier en particulier, soit une cession de priorité de rang. Par exemple, vous cédez votre 1er rang contre le 6e rang. La créance de la personne à qui vous avez cédé votre rang sera payée au 1er rang et votre créance sera payée au 6e rang. Il peut arriver que les fonds soient insuffisants pour payer votre créance au 6e rang.
Nous vous conseillons de ne jamais renoncer à l’hypothèque légale ou au pire, de ne consentir qu’une cession de priorité de rang et d’exiger la fourniture d’autres garanties (comme un cautionnement, une lettre de garantie bancaire irrévocable, etc.).
En résumé
L’hypothèque légale de construction est un droit réel de l’entrepreneur sur un immeuble pour garantir le paiement de sa créance. Ce mécanisme constitue sa meilleure garantie.
Cette hypothèque porte sur l’immeuble sur lequel l’entrepreneur exécute des travaux de construction ou de rénovation demandés par le propriétaire (pas par le locataire). Elle accorde à l’entrepreneur un rang privilégié quant à la plus-value de cet immeuble par les travaux.
L’entrepreneur qui ne contracte pas directement avec le propriétaire de l’immeuble a l’obligation de dénoncer son contrat au propriétaire pour avoir droit à l’hypothèque. Seuls les travaux qui suivent la dénonciation sont couverts.
Pour conserver son droit, l’entrepreneur doit inscrire un avis d’hypothèque légale au plus tard 30 jours après la fin des travaux et un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire au plus tard 6 mois après la fin des travaux.
Extraits du Code civil du Québec
2724. Les seules créances qui peuvent donner lieu à une hypothèque légale sont les suivantes :
- les créances de l’État pour les sommes dues en vertu des lois fiscales, ainsi que certaines autres créances de l’État ou de personnes morales de droit public, spécialement prévues dans les lois particulières;
- les créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble; […].
2726. L’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble ne peut grever que cet immeuble. Elle n’est acquise qu’en faveur des architecte, ingénieur, fournisseur de matériaux, ouvrier, entrepreneur ou sous-entrepreneur, à raison des travaux demandés par le propriétaire de l’immeuble, ou à raison des matériaux ou services qu’ils ont fournis ou préparés pour ces travaux. Elle existe sans qu’il soit nécessaire de la publier.
2727. L’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble subsiste, quoiqu’elle n’ait pas été publiée, pendant les 30 jours qui suivent la fin des travaux.
Elle est conservée si, avant l’expiration de ce délai, il y a eu inscription d’un avis désignant l’immeuble grevé et indiquant le montant de la créance. Cet avis doit être signifié au propriétaire de l’immeuble.
Elle s’éteint six mois après la fin des travaux à moins que, pour conserver l’hypothèque, le créancier ne publie une action contre le propriétaire de l’immeuble ou qu’il n’inscrive un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire.
2728. L’hypothèque garantit la plus-value donnée à l’immeuble par les travaux, matériaux ou services fournis ou préparés pour ces travaux; mais, lorsque ceux en faveur de qui elle existe n’ont pas eux-mêmes contracté avec le propriétaire, elle est limitée aux travaux, matériaux ou services qui suivent la dénonciation écrite du contrat au propriétaire. L’ouvrier n’est pas tenu de dénoncer son contrat.
2952. Les hypothèques légales en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble prennent rang avant toute autre hypothèque publiée, pour la plus-value apportée à l’immeuble; entre elles, ces hypothèques viennent en concurrence, proportionnellement à la valeur de chacune des créances.
2123. Au moment du paiement, le client peut retenir, sur le prix du contrat, une somme suffisante pour acquitter les créances des ouvriers, de même que celles des autres personnes qui peuvent faire valoir une hypothèque légale sur l’ouvrage immobilier et qui lui ont dénoncé leur contrat avec l’entrepreneur, pour les travaux faits ou les matériaux ou services fournis après cette dénonciation.
Cette retenue est valable tant que l’entrepreneur n’a pas remis au client une quittance de ces créances.
Il ne peut exercer ce droit si l’entrepreneur lui fournit une sûreté suffisante garantissant ces créances.
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